Penser le judaïsme

Jean-Christophe Attias, Penser le judaïsme, rééd. revue et augmentée, Paris, CNRS, coll. “Biblis”, 2013.

Publié une première fois en 2010, ce recueil reparaît donc en 2013 au format poche, augmenté de trois nouveaux chapitres. Plusieurs études peuvent être lues comme des contributions à une “écriture nouvelle de l’histoire de l’Europe”, spécialement les chapitres 5 (“Essai de mémoire comparée: Isaac Abravanel, héros juif [1508-1992]”), 16 (“Du thème du lignage dans le judaïsme en général et dans le judaïsme sépharade en particulier”), 17 (“Le judaïsme, tiers exclu de l’« Europe chrétienne »?”) et 18 (“Les racines sépharades de l’Europe chrétienne”).

Extrait de l’introduction : “Nombre des études qu’on lira dans le présent volume doivent beaucoup au hasard de rencontres. Certaines ont été, dans leurs premières moutures, le fruit de « commandes », contributions à des ouvrages collectifs, communications à des colloques, conférences de séminaires dont les thèmes avaient été choisis par d’autres. Curieusement, pourtant, une fois réunies, reprises, organisées et jointes ensemble, il leur est arrivé ce qui, selon la tradition biblique et midrashique, paraît être arrivé aux pierres dont Jacob, en route vers Haran, avant de s’endormir et de rêver de sa fameuse échelle, s’était fait un oreiller. Le soir, à la tombée de la nuit, elles étaient douze. Sous sa tête et pendant son sommeil, elles n’en firent plus qu’une. Et au petit matin, cette pierre désormais unique, Jacob l’érigeait en un monument sur lequel il répandait de l’huile, et rebaptisait le lieu Béthel.

Point n’est besoin, cela va de soi, d’imaginer un miracle pour expliquer que des études initialement dispersées, une fois rassemblées, aient pu si facilement devenir un livre… Toutes, y compris les plus apparemment pointues, sont nées d’une même curiosité de l’objet judaïsme excédant systématiquement les limites d’une investigation étroitement ciblée. La fin des enquêtes les plus spécialisées comme des essais de présentation générale et synthétique – et l’on rencontrera dans ces pages ces deux genres d’écriture scientifique – reste la même : offrir au lecteur les clés d’une intelligibilité totale du fait culturel juif, en illustrer à la fois la richesse, la diversité, la conflictualité interne et, en dépit de tout, la surprenante unité. Voilà de quoi cet ouvrage tire son ultime cohérence : de l’unité foncière de son objet – une unité certes toujours à reconstruire – et de la continuité du souci qu’il a inspiré à son auteur, au fil de plus de vingt-cinq années de recherches.

Récit d’un voyage en judaïsme, ce livre en dit autant des paysages traversés que des états d’âmes du voyageur. Et l’on ne s’étonnera pas que les cinq grandes têtes de chapitres sous lesquelles ont été réunies ces enquêtes se soient comme imposées d’elles-mêmes. Territoires, d’abord, territoires mouvants, éclatés, d’un judaïsme hanté par l’exil et la dispersion, et dont l’improbable unité tient moins à une géographie chaotique qu’à la fidélité à une mémoire et à des corpus. Textes, ensuite et tout naturellement, parce que le judaïsme n’est peut-être au fond qu’un immense et répété exercice de lecture. Frontières, bien sûr, parce que l’essence du judaïsme ne se dévoile paradoxalement jamais mieux qu’en ses espaces liminaires, là où ses contacts avec l’Autre sont à la fois les plus ambigus et les plus décisifs. Silences, parce que ce qui se joue d’essentiel avec cet Autre, justement, se joue peut-être autant dans la parole tue que dans la parole échangée. Identités, enfin, imaginaires, mythiques, sans cesse réinventées, étrangement instables. “

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L’auteur:

Jean-Christophe Attias est directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, titulaire de la chaire de “Pensée juive médiévale (VIe-XVIIe siècles)”, directeur-adjoint du Centre Alberto-Benveniste d’études sépharades et d’histoire socioculturelle des Juifs, et chercheur au Centre Roland-Mousnier. Il est membre du conseil scientifique du LabEx EHNE.